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HORS-JEU

Quelques mois après le scandale de la FIFA et à l’approche de l’Euro, Hors-jeu nous est proposé dans un timing idéal. Le nouveau webdocumentaire grand format porté par Arte devrait faire couler de l’encre, ou plutôt noircir des pixels. Tant sur les thèmes abordés que sur sa forme innovante, Hors-jeu repousse encore un peu les limites de la narration.

« Un documentaire en ligne à collectionner », voilà le nouveau pari de David Dufresne à qui l’ont doit déjà quelques œuvres références (Prison Valley, Fort McMoney ou encore Dada-Data), accompagné d’Upian (Gaza/Sderot, Alma, Do Not Track, Génération Quoi) et du journaliste suisse Patrick Oberli, spécialiste du monde du football. 18 mois d’enquête, 300 000 € de budget pour 99 modules, mini-sujets, traité en vidéo ou en texte. Un projet hollywoodien pour le secteur, tant dans la quantité de contenus produit, que dans la formule de navigation choisie, avec une volonté certaine de « faire du clic ».

 

Trailer - Hors-jeu

 

VOUS REPRENDREZ BIEN UN PEU DE CONTENU

Pas franchement passionné de football, c’est avec une certaine appréhension que l’auteur de ces lignes s’est aventuré sans ballon derrière le dernier défenseur*. Pourtant le propos s’avère prenant dans l’ensemble, la thèse des auteurs dépassant largement le simple cadre du carré vert. David Dufresne explique, à LaLibre.be, avoir travaillé sur « la privatisation de l’homme pour faire du spectacle ».  Tout un programme.

 

Graphiquement, ça joue juste. Les cartes sont présentées dans un bel écrin, avec un site soigné, à l’identité graphique travaillée. L’ambiance pop art du menu tranche efficacement avec le filtre sombre des vidéo pour plonger le spectateur dans une atmosphère détonante, tendant vers le schizophrène. Les couloirs de la FIFA ne sont pas loin.

 

Sur les 99 cartes, qu’il s’agisse d’articles, de vidéos, de statistiques, toutes ne sont pas fascinantes. Certaines restent assez vagues (« On peut les appeler les taupes » d’Emmanuel Petit). D’autres sont beaucoup plus inattendues : comme l’histoire de Lorenzo Flabo, agent de joueur kidnappé en Russie, ou la réflexion de Jaimie Fuller sur le rôle des sponsor dans la moralisation du foot. Mais dans ce tsunami de contenus, on se laisse facilement prendre au jeu et on y passer pas mal de temps. Surtout que le système de navigation est assez addictif.

 

MADELEINE DE PROUST

Au-delà d’un sujet bankable, le concept est pour beaucoup dans l’originalité de l’œuvre et sa qualité. Les auteurs ont repris un concept qui parlera à tous les amateurs : les cartes Panini, celles que l’on collectionne, que l’on partage, que l’on s’échange. Sur les 99 cartes disponibles au total, on commence la visite avec un paquet de 5, puis un nouveau paquet nous est envoyé chaque jour.

 
 

La France a-t-elle gagné la Coupe du Monde ?

Pour aller plus vite et avoir plus de contenus rapidement, on peut partager ses cartes avec nos amis. Et, cette fois, pas besoin de se retrouver dans une cour de récréation. On les partage sur les réseaux sociaux ou par e-mail. Les cartes disparaissent alors de notre collection mais de nouveaux paquets nous sont envoyés, avec de nouvelles cartes.

 

Le système a sans doute des vertus virales, il prend source dans un expérience liée à son sujet et parait naturel et pertinent. L’expérience est prenante dès les premières minutes, surtout pour le spectateur atteint de l’addiction du collectionneur. Cependant, pour celui qui sera moins enclin à amasser du contenu, le caractère encyclopédique peut rendre complexe la visite. L’absence d’ordre chronologique de ce type de narration contredit notre conception naturelle de la consommation de contenu et le choix des modules à découvrir pourrait s’avérer difficile. L’arrivée quotidienne de nouvelles cartes résout en partie ce problème : un ordre apparait, même s’il est aléatoire. Une belle trouvaille qui renouvelle encore un peu l’art de raconter des histoires.

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